FABRICATION

Naissance d'une Lame

La partie la plus importante d'un sabre en est bien évidemment sa lame, l'habillement ( KOSHIRAE ), souvent somptueusement décoré n'est considéré qu'en seconde phase. La valeur d'un sabre ( valeur marchande, mais aussi sa valeur artistique et surtout son importance en tant qu'arme ) est la qualité de la structure qui compose sa lame mais aussi l'état de cette même lame.

La fabrication de cette lame se réalise en trois étapes aussi importantes les unes que les autres: Forgeage, Trempage et Polissage

Quelque soit l'école et les maîtres forgerons de l'époque, les principes de fabrication restent immuablement identiques:

Mélange du fer et de l'acier.

Repliage de ces deux composants sur eux-mêmes plusieurs fois.

Trempage dans l'eau, le tranchant est trempé plus durement que le reste de la lame.

Polissage très raffiné en final puisqu'il met en évidence les dessins de l'acier ( JI HADA ) dûs au forgeage, et la ligne de trempe ( YAKIBA ).

Chaque école de forges garde jalousement ses procédés de fabrication. Ceux-ci sont transmis de bouche à oreille, du maître à l'élève. Ces informations concernent le plus souvent le nombre de fois qu'il faut replier l'acier sur lui même et la température de l'eau utilisée pour la trempe de la lame.

 

 

TESTS de COUPE

Avant que le polissage ne soit totalement réalisé, des tests de coupe sont exécutés afin de juger de la qualité de la lame

C'est le TAMESHI-GIRI.

Les résultats de ces coupes sont parfois gravées sur la soie du sabre et complémentent l'identité du forgeron et la date de fabrication. Cette inscription est appelée TAMESHIMEI.

Ces essais sont organisés suivant un cérémonial très précis et ce de façon officielle. Ils se déroulent au bon vouloir de l'essayeur. Ce dernier effectue des coupes sur des plaques métalliques, des vieux casques, des bottes de paille de riz tressées et mouillées, des cadavres, des condamnés à mort et parfois, comble du réalisme, sur de simples passants surpris au coin d'une rue ( TSUJIGIRI ).

Rien n'est laissé au hazard lors de ces test. Les clients exigent de voir les armes immédiatement après, sans être essuyées, afin de juger de la qualité en observant minutieusement des phénomènes tels que : l'adhérence des graisses, la coloration de l'acier au contact du sang, des os et chairs, etc....

Les corps , décapités, sont attachés sur un monticule de sable prévu à cet effet ( DODAN ), l'essayeur, souvent un expert, peut tester la lame. Parfois plusieurs corps sont empilés puis tranchés d'un seul mouvement. Les TAMESHIMEI de cet ordre sont désignés par le type " trois d'un coup ". La façon de préparer le DODAN , d'y attacher les corps, de se concenter, et de couper a été étudiée avec rigueur et décrite minutieusement. Seuls les meilleurs experts réussissent à effectuer certaines coupes, l'habileté tout autant que la qualité de la lame est un paramètre important dans ce genre d'activité.

Ce n'est que testée et polie que l'arme est alors prête pour un dernier examen, a la fin duquel le forgeron grave son nom sur le manche ( NAKAGO ). A ce stade, la monture ( KOSHIRAE ) vient habiller la lame.

 

POLISSAGE

Le souci de conserver une arme en bon état semble très ancien dans l'histoire du Japon. Cette préoccupation s'éveille très tôt dans l'esprit du guerrier japonais, mais il faut reconnaître que l'art du polissage ne se développe qu'au début de la période HEIAN et c'est l'époque KAMAKURA qui voit par la suite apparaître les premiers polisseurs professionnels.

L'art du polissage fait de grands progrès sous l'impulsion de TOYOTOMI HIDEYOSHI, qui prend les rênes du pays en 1582. Première personne de haut rang, il est véritablement concerné par la valeur artistique des armes et préoccupé d'en faire une oeuvre d'art. C'est à compter de ce moment que les montures des sabres sont fabriquées somptueusement.

Le polissage devient un art véritable au cours de la période EDO, laquelle voit s'établir des ateliers spécialisés sous la conduite du clan TOKUGAWA. Le personnel employé devient au fil du temps d'un professionalisme émérite.

En 1868, avec le retour du pouvoir impérial, le décret impérial ( HATO REI ) interdit le port du sabre. c'est la fin de la caste des Samuraï. Il en résulte un désintéressement des armes et des techniques de fabrication. Heureusement, l'art du polissage ne connaît pas une grosse baisse, mais bien au contraire progresse grâce aux amateurs désireux de conserver les armes familiales en parfait état, et de permettre aux Japonais ainsi qu'aux étrangers d'apprécier le sabre comme objet d'art. Grâce à ces mécènes, les techniques traditionnelles de fabrication ont pu être transmises aux générations suivantes et actuelles.

Le forgeage et le trempage sont des opérations très importantes pour la robustesse et la fiabilité d'une lame, le polissage est tout aussi important pour faire ressortit et mettre en valeur toute la beauté et la qualité d'une lame.

Aucune arme ne peut, sans polissage, avoir cet éclat et cette splendeur si particuliers des armes japonaises. Paradoxe subtil, une exellente lame dont le polissage aurait été négligé sera quelconque, alors qu'une arme quelconque sera attirante du simple fait d'un polissage en bon et due forme.

La première phase du travail est appelé: JI TOGI, elle consiste, à l'aide d'une pierre grossière, à tailler la lame afin d'en faire disparaître les irrégularités. Le travail commence par le dos de la lame ( MUNE ) puis le tranchant ( HA ). Cette opération s'effectue ensuite dans le sens tranverse du SHINOGI vers la HA. Cette opération dite préparatoire est suivie par le polissage proprement dit: le SHIAGE.

La lame est frottée avec des pierres abrasives sélectionnées, et dont le grain va en diminuant au fil de la progression du travail. Chaque passage fait disparaître les traces présentes de la pierre précédente. L'artisan fait varier le sens de son travail qui, de perpendiculaire au SHINOGI en début de travail, s'oriente parallèlement au tranchant à la fin de celui-ci. La pointe ( KISSAGI ) n'est travaillé qu'en dernier temps. La réalisation du YOKOTE est la phase la plus importante et la plus délicate du polissage.

Aux dernières phases du polissage, l'artisan frotte la lame non plus avec des pierres, mais avec un papier sur lequel il dépose une très fine couche de poudre calcaire ( UCHIKO ).

L'art du polissage consiste à faire ressortir les grains de l'acier ( JIHADA ) et la ligne du trempage ( YAKIBA ). Ceci est obtenu par des polissages intermédiaires différents: Un brunissoir donne au MUNE et au SHINOGI - JI l'apparence d'un mirroir, alors que les YAKIBA et JIHADA sont obtenus par un polissage un peu moins fin.

Il existe deux façons différentes de polir le YAKIBA. La méthode KESHO et la méthode SASHI KOMI.

La méthode KESHO, est la plus répandue. Le polissage du YAKIBA est réalisé avec une pierre à grain plus fort que pour le reste de la lame. Le résultat présente un contraste qui donne au YAKIBA une teinte blanc-argenté.

La méthode SASHI KOMI utilise la même pierre pour le polissage de toute la lame. Dans ce cas le JIHADA et le YAKIBA sont de couleur pratiquement identique et, de ce faît, très difficiles à délimiter.

Ces deux méthodes amènent la beauté aux lames des sabres.

 

TREMPE

La lame ainsi formée est trempée afin de la durcir et en faire une arme efficace. La partie tranchante de la lame est trempée plus durement que le reste. Cette procédure donne un tranchant très résistant et relativement souple pour ne pas casser. La trempe est appelée YAKI IRE. La qualité de la lame est en grande partie définie par ce procédé.

Tout le travail du forgeron est remis en question lors de cette opération. La lame chauffée au rouge entre en contact avec l'eau, il n'y a pas place à l'erreur., un défaut de trempage réduit la lame à une vulgaire barre d'acier. Certaines lames ont été reprise en trempage, mais elles n'ont la classe des autres.

Il faut préparer le lame avant la trempe proprement dite, en effet le forgeron enrobe la lame dans une couche d'argile réfractaire. Losque cette enveloppe est sèche, le forgeron en retire une parite en réalisant une forme ligneuse simple ( SUGUHA : ligne droite ) ou complexe représentant des paysages, des Chrysanthèmes, et autres .....

La lame est chauffée autour des 800°C puis plongée brusquement dans une eau dont la température est un secret pour chaque maître. La lame est maintenue horizontale , tranchant vers le bas. Au contact de l'eau, le tranchant se refroidit très rapidement en devenant extrêmement dur,. Le reste de la lame, protégée par la couche d'argile réfractaire, refroidit moins vite et conserve par ce biais une "large souplesse".

Cette opération se fait généralement à l'aube du jour, dans le calme d'une nuit qui s'achève. Pour ceci : pas d'appareils de mesure pour la température de l'eau ou celle du métal porté au rouge. Les lames sont gravées en rapport avec les dates de trempe. Ces gravures correspondraient aux périodes de l'année ou la température de l'eau serait la plus favorable.

L'arme est libérée de l'argile. Elle est examinée avec le plus grand soin de manière à détecter le moindre défaut. Si l'examen est satisfaisant, le forgeron passera à l'étape suivante, le polissage. La lame n'en sortira que pour resplendir de sa beauté.

FORGEAGE

Les lames de sabre sont formées de deux parties : la partie centrale en fer ( SHINTESTU ) entourée de la seconde partie, une feuille d'acier dénomée UAGANE. L'amalgame métallique complexe de cette structure permet d'obtenir des armes redoutables, rarement égalées. La qualité unique des lames japonaises est que celles-ci présentent une dureté très élevée sur le tranchant et une élasticité de l'ensemble afin qu'elles ne se brisent pas en combat.

Le forgeage d'une lame commence par la fabrication du UAGANE. le maître soude une barre de fer à une plaque d'acier d'environ 13 x 8 cm, appelée DAIKANE. Sur cet plaque d'acier, le forgeron dépose des morceaux de fer brut de fonderie, un peu d'argile et de la poussière de charbon de bois: c'est le TAHAMAGANE. Il verse ensuite de l'eau et de la poussière de pierre calcaire ( UCHIKO ) par dessus l'ensemble.

Par cette opération, le forgeron ajoute du carbone au métal et restreint les risques d'oxydation qui gèneraient la bonne soudure des diffirentes couches de métal entre elles.( le charbon de bois est dosé quantitativement selon la souplesse voulue pour la lame ).

 

Cet amalgame de métal est chauffé au rouge sur un feu de charbon de bois ( HODO ), puis aplani avec de lourds marteaux. La température s'abaissant, le forgeron arrose le métal avec un mélange d'eau et de cendres et le replonge dans le brasier. Quand cette pièce est étirée, le forgeron la replie sur elle-même, verse dessus boue d'argile très liquide et réchauffe l'ensemble avant un nouveau martellement. Ce procédé est effectué une vingtaine de fois. Le résultat se présente sous la forme d'une plaque d'acier constituée de nombreuses couches fines et extrêmement soudées entre elles.

La forge très soigneuse du métal lui assure une qualité importante. La compression homogène du métal ( bulles d'air inexistantes ) lui confère une haute résistance, plus de légèreté et donc plus de maniabilité.

Deuxième phase de la fabrication: le SHINTETSU ( noyau de fer ). C'est une procédure quasiment identique à la première, si ce n'est que moins de carbone est ajouté au TAHAMAGANE et le nombre de repliage moins conséquent ( une douzaine ) Le nombre de repliage n'est pas laissé au hazard, et agit sur la qualité finale de la lame. Il apparaît qu'après vingt et un repliages, le métal perd en dureté et ce de façon conséquente.

 

L'amalgame ainsi réalisé est ensuite chauffé et martelé en vue d'en sortir une forme assez proche de la lame désirée. Cette barre est érodée à l'aide d'une lime à deux poignées ( SEN ), pour obtenir la forme définitive de la lame.
La troisième, et bien évidente opération, est l'unification des deux produits ainsi obtenus ( UAGANE et SHINTETSU ). Il faut replier l'UAGANE tout autour du SHINTETSU en les soudant ensembles.
Tameshi-giri